Selon Malakoff Humanis (2022), les troubles psychologiques représentent désormais le deuxième motif d’arrêt maladie en France, et la première cause des arrêts longs. Les managers et les jeunes salariés sont particulièrement exposés : 59 % et 52 % se déclarent épuisés*.
Après la crise Covid-19, le télétravail demeure la règle en général dans les entreprises. En conséquence, les risques d’hyper-connexion et la difficulté d’articuler vie personnelle et vie professionnelle s’accroissent. Dans le même temps, la situation sanitaire reste angoissante et les salariés craignent pour leur emploi.
Dans les entreprises, les démarches de prévention des risques psychosociaux (RPS) doivent s’adapter à ce nouveau contexte. Comment faire, alors même que le management va très probablement augmenter la pression sur les équipes face aux difficultés de trésorerie à venir et à la baisse de chiffre d’affaires ?
Les trois visages de l’épuisement professionnel
De plus en plus, on associe au burn-out (l’épuisement professionnel) le bore-out (l’épuisement par l’ennui) et le brown-out (l’épuisement par perte de sens). Dans l’éventail des difficultés psychologiques des collaborateurs, ces syndromes ont des spécificités qui les rendent particulièrement difficiles à détecter. Les salariés sont pris dans une spirale qui les isole progressivement et ils refusent en général d’admettre leurs difficultés.
Ces trois syndromes partagent un même mécanisme : une rupture progressive entre l’individu et son environnement de travail. Ils fragilisent la santé mentale des collaborateurs et dégradent la performance collective.
Le burn-out : l’épuisement par surinvestissement
1 salarié sur 10 en risque élevé de burn-out
Définition
Dans son guide d’aide à la prévention, la Direction Générale du Travail (DGT) rappelle que le burn-out est la phase finale d’un processus d’épuisement physique, émotionnel et mental, conséquence d’une exposition prolongée à des situations émotionnellement exigeantes.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) le définit comme un syndrome résultant d’un stress chronique au travail mal géré, caractérisé par :
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un épuisement physique et émotionnel,
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une diminution de l’engagement professionnel ou un cynisme vis-à-vis du travail,
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une efficacité amoindrie.
Comment se manifeste-t-il ?
Le burn-out se manifeste souvent par un blocage physique, précédé de nombreux symptômes psychosomatiques. Tout commence fréquemment par des troubles du sommeil, puis s’installe une fatigue mentale profonde. Peu à peu, les collaborateurs ont le sentiment d’être spectateurs de leur propre vie professionnelle. Ils se sentent dépassés, irritables, déconnectés de leur travail et n’arrivent plus à exprimer leurs difficultés. En parallèle, l’incapacité à accomplir des tâches pourtant simples renforce la perte d’estime de soi. L’isolement s’accentue, alimentant la perte de confiance et l’épuisement émotionnel.
Considéré comme un syndrome, le burn-out n’a pas de définition médicale précise, ce qui rend difficile toute évaluation précise. Selon Santé Publique France, 30 000 personnes seraient touchées en France. En réalité, le nombre est probablement bien plus élevé si on compte les personnes qui s’approchent de l’effondrement final. Et c’est un phénomène qui prend de l’ampleur : en 2016, le programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (MCP) constate parmi les travailleurs que 3,6 % des femmes (contre 2,3 % en 2007) et 1,4 % des hommes (contre 1,1 % en 2007) sont concernés par la souffrance psychique.
Les causes principales du burn-out
Selon la Haute Autorité de Santé (HAS) et l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT), le burn-out est multifactoriel.
Ses causes les plus fréquentes sont :
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une charge de travail excessive ou mal répartie,
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un manque d’autonomie ou de reconnaissance,
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des objectifs irréalistes ou contradictoires,
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un déficit de soutien managérial,
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un conflit de valeurs entre le travail et les convictions personnelles,
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un déséquilibre vie professionnelle / vie personnelle.
Souvent, le déclenchement du burn-out est une surprise pour l’entourage et en particulier le collectif de travail, car les personnes les plus touchées cumulent des qualités d’habitude valorisées positivement :
🟢 Consciencieux.se, il (ou elle) a une conception élevée du travail,
🟢 Exigeant en particulier pour lui-même, il (ou elle) vise l’excellence,
🟢 Serviable, il (ou elle) aide les autres membres de l’équipe,
🟢 Ambitieux, il (ou elle) ne ménage pas ses efforts.
À peine remarque-t-on un fort besoin de reconnaissance et une tendance à ne pas prendre le temps de souffler.
Un déclenchement brutal
Le déclenchement brutal du burn-out entraîne souvent un premier arrêt de travail qui amènera progressivement le collaborateur à prendre conscience de son état. C’est pourquoi l’enquête Opinion Way pour All Leader Initiative a intelligemment centré ses questions sur les symptômes cognitifs, émotionnels et physiques annonciateurs de la rupture. Les collaborateurs épuisés sans vouloir l’admettre restent capables d’auto-évaluer des difficultés de concentration, des bouffées d’énervement ou des tensions physiques.
Réalisée avant le confinement, cette étude révèle la spécificité de la région parisienne (19 % des personnes interrogées se sentent tout à fait en surmenage contre 11 % au niveau national). Par ailleurs, les 25 / 34 ans sont particulièrement exposés : 27 % ont des symptômes concomitants et fréquents et sont donc dans une spirale nocive menant au burn-out contre 11 % sur l’ensemble de l’échantillon.
Prévenir
En entreprise, la prévention des risques psychosociaux (RPS) est très codifiée. En effet, les RPS doivent être évalués avec les autres risques professionnels et être intégrés au document unique. Ainsi, ils sont analysés dans le rapport annuel sur la santé, la sécurité et les conditions de travail et ils font également l’objet d’un dialogue social lors de la négociation annuelle autour de la qualité de vie au travail. Plus largement, la prévention des RPS participe de l’obligation de sécurité et de prévention (L.4121-1 du code du travail).
Au-delà du respect du cadre légal, le burn-out touche, nous l’avons vu, souvent des collaborateurs précieux pour l’entreprise. Toutes les conditions devraient donc être remplies pour que la prévention soit efficace. Pourtant, le mal progresse notamment du fait de l’intensification du travail sur laquelle les DRH ont finalement peu de prise. Pour prévenir ces risques, découvrez le guide des meilleures pratiques RH.
Que faut-il éviter ?
Ce qu’il faut éviter au final, ce sont toutes les situations émotionnellement exigeantes et qui ne permettent pas de récupérer. Les collaborateurs directement en contact avec les clients ou qui ont un rôle d’interface entre deux équipes sont particulièrement exposés. Tous les collaborateurs doivent être sensibilisés de manière très concrète à commencer évidemment par les managers. Et cela passe par des recommandations toutes simples :
🍋 S’accorder une pause entre deux réunions,
🍋 Être à l’écoute lorsqu’un collaborateur a des difficultés,
🍋 Accueillir les émotions et laisser les désaccords s’exprimer.
Clarifier…
Tant que c’est possible, il faudra clarifier les limites de l’organisation, des responsabilités et des tâches. Dans une période où les coûts devront être réduits, il faudra que le management accepte de fixer les priorités, de prendre en compte les retours du terrain et même d’organiser des temps de respiration. On fera particulièrement attention aux écarts entre le discours et les réalités qui peuvent mettre les collaborateurs face à un conflit de valeur. Et préserver ainsi la culture de l’entreprise pour mieux rebondir.
Si les salariés à risques sont généralement très (trop) en demande de reconnaissance, toute l’entreprise bénéficiera d’humaniser les relations en reconnaissant évidemment les personnes, mais également les résultats et les efforts.
Repérer
Lorsque la spirale du burn-out s’enclenche, les salariés ont tendance à s’isoler et à nier leurs difficultés. Cette attitude semble paradoxale, mais cela s’explique parce que le burn-out est un syndrome d’échec de l’adaptation. Le salarié en fait toujours plus pour tenter de répondre aux exigences toujours croissantes de son travail. Admettre les difficultés, c’est admettre l’échec et donc risquer l’effondrement. Si l’entourage se fait trop pressant, le collaborateur peut rompre le lien plutôt que d’accepter l’aide.
Cette caractéristique rend naturellement le repérage du risque de burn-out extrêmement délicat. Le manager pourra néanmoins être sensible aux symptômes cognitifs, émotionnels et physiologiques tels que décrit par l’Institut de Prévention du Burn-Out et repris dans l’étude All Leader Initiative.
Il sera spécialement attentif aux situations à risques :
👉 Prise de poste,
👉 Transition professionnelle,
👉 Retour d’absence longue (expatriation, maternité, …),
👉 Transformation importante de l’organisation.
Le bore-out : l’épuisement par l’ennui
Moins connu, le bore-out désigne un état d’épuisement lié à l’ennui et au sous-emploi des compétences. Selon une étude de Qapa (2022), 71 % des salariés jugent leur travail ennuyeux, et 56 % le vivent très mal. Le manque de stimulation intellectuelle conduit à une perte d’estime de soi, à une démotivation et parfois à des troubles anxieux ou dépressifs.
Prévenir le bore-out :
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Former les managers à l’écoute active,
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Rééquilibrer les charges et les missions,
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Donner plus d’autonomie et de perspectives,
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Favoriser la montée en compétences et la mobilité interne.
Le brown-out : la perte de sens au travail
Le brown-out survient lorsqu’un collaborateur ne trouve plus de sens à ses missions ou perçoit un décalage entre ses valeurs et celles de l’entreprise. Selon une étude du cabinet Deloitte (2017), le sentiment d’exercer un travail utile repose sur trois facteurs : les activités quotidiennes, les valeurs de l’organisation et la coopération. Lorsque ces leviers manquent, la perte de sens s’installe. Les collaborateurs touchés restent compétents, mais démotivés. Ils exécutent leurs tâches sans conviction, jusqu’à se désengager mentalement voire quitter l’entreprise.
Prévenir le brown-out :
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Aligner les missions avec les valeurs et la stratégie d’entreprise,
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Donner de la visibilité sur l’impact du travail,
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Favoriser l’autonomie et la reconnaissance,
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Renforcer la coopération et la transparence dans les décisions.
Écouter, analyser, agir : la clé d’une prévention durable
La prévention du burn-out, du bore-out et du brown-out ne peut pas se limiter à un accompagnement individuel. Elle repose avant tout sur une démarche collective qui combine la détection des signaux faibles, la sensibilisation des managers, des dispositifs d’écoute continue et une véritable culture du dialogue.
Former les managers et les équipes RH à l’écoute active est essentiel, tout comme leur donner accès à des outils qui facilitent la prise de recul. Les enquêtes anonymes et régulières permettent de mesurer le ressenti des collaborateurs et de suivre des indicateurs clés liés à l’engagement, à la charge de travail ou à la reconnaissance. Ces données aident à repérer les équipes les plus exposées et à intervenir avant que la situation ne se détériore.
Chez Zest, les verbatim recueillis sont analysés grâce au traitement automatique du langage naturel, aussi appelé NLP. Cette analyse met en évidence les thématiques sensibles telles que la surcharge de travail, la perte de sens ou le manque de reconnaissance, pour déclencher des actions ciblées et concrètes. Lorsque la situation l’exige, et toujours dans le respect des règles internes de confidentialité, il est possible de lever l’anonymat afin d’agir rapidement avec les équipes concernées.
Dans un environnement de travail où les signaux faibles passent souvent inaperçus, l’écoute continue devient un véritable levier de prévention. Elle permet d’anticiper, de comprendre et d’agir au bon moment.
💡 Mettre en place une écoute active, c’est transformer la prévention en un levier d’engagement durable. Découvrez le module Écouter pour renforcer la santé mentale et la performance collective de vos équipes.
Sources :
- Malakoff Humanis (2022) – Santé mentale au travail : les salariés français en première ligne
- Ministère du Travail (DGT) – Les risques psychosociaux au travail
- Organisation mondiale de la santé (OMS) (2019) – Le burn-out reconnu comme phénomène lié au travail
- Haute Autorité de Santé (HAS) – Syndrome d’épuisement professionnel : repères pour les professionnels
- ANACT – RPS et burn-out : comment mettre en place une démarche de prévention
- Santé publique France (2016) – Maladies à caractère professionnel en 2016
- Qapa (2022) – 71 % des Français s’ennuient au travail
- Deloitte (2017) – Baromètre Meaningful Work
- OpinionWay pour All Leader Initiative (2019) – Étude sur le surmenage et les signaux faibles